Softage : épisode 4/5

Softage (textes Vincent Mabillot, Illustrations Rosco)

Softage (textes Vincent Mabillot, Illustrations Rosco)

<-épisode 3épisode 5->

#Vue de l’Esprit 4

L’inter-relation sanctifie la coopération, le consensus, un monde sans remous, éternel, sans vie. L’interdépendance provoque l’oppression, le conflit, la différence, elle crée des individus qui existent par leur stratégie dans le système. D’accord il y a la mort, mais c’est parce qu’il y a la vie. Et nous microbes de l’univers, nous ne pouvons que désirer le premier comme l’éthique qui nous permet de vivre dans le second.

Chad C.Mulligan, Des Espoirs, p267, 1997

#Subjectivité 4

C’est pas que l’on s’ennuie, mais si ça continue on va pouvoir rentrer décharger Julien de la garde du greffier. Tu me diras, il n’a pas dû s’ennuyer avec l’UPC. Il avait du monde à retrouver pour essayer de reconstituer son compte. Il aura eu le temps de sa familiariser avec mon tapis tactile. C’est tout de même plus agréable cette caresse du velour que de trainer la souris. Le plus drôle c’est quand on pianote à deux dessus. Les jeux d’action deviennent des partitions pour virtuose. D’ailleurs le mariole qui épousaille Gilda est plutôt à son affaire dans ces cas là. Mais ce n’est pas parce qu’on est un Paganotti du Speed Ball qu’on réussit son mariage.

Softage - CyberMariage

Softage - CyberMariage - Par Rosco

Non, parce qu’il faut dire la vérité, les mariages hi-tech snobent les trucs utiles et sympas en des gadgets à gogos. D’ailleurs si j’avais su, j’aurais pas venu. Pas que je sois vieux jeu, mais on dirait que de nos jours si on utilise pas des médias technologiques pour communiquer, on a rien à partager. La peur de ne pas contrôler totalement son image. C’est peut-être pour cette raison qu’on écrit. A moins que ce ne soit la faute au sida, du safe-sex ou du self-sex. Des bataillons de techno-yuppies ont commencé par se réfugier dans l’abstinence et le nouveau catéchisme au nom du fait qu’un bout de caoutchouc inhibait leurs sensations. Mais la fidélité sans l’Amour, c’est un sacerdoce, tout le monde n’a pas ma chance. Alors en avant la sexualité précambrienne ou post-moderne. La veuve Poignet contre le cybersexe. Et l’un revient souvent à l’autre ou plutôt au même. Avec toute l’affection que j’ai pour eux, Gilda et Damien naviguent au sommet de cette vague. Ils ont tout de même poussé le vice jusqu’à se marier à sept cent cinquante bornes l’un de l’autre. Pourquoi? Des vraies-fausses bonnes raisons on en trouve toujours. C’est tellement plus simple de louer deux salles avec des spatio-baies. Mon écran trente pouces concave fait minable à côté de ces facades plasmiques de trente mètres carrés. Mais honnêtement, de quoi ont l’air ces gens qui se trémoussent face à face. Les uns retransmis sur la baie des autres et réciproquement, ils s’ingénient à singer leur symétrique en s’ennivrant d’un léger déphasage de l’image. Franchement c’est du tonnerre dans les cybercafés. C’est plutôt sympa de discuter le coût avec un Québéquois dans un lieu informel. Encore qu’on s’en tire bien, le Dj ne joue pas avec son morpheur Direct-To-Screen.

Faut pas se plaindre, on échappe aux hologrammes du lapin dresseur de carottes et du mainate dompteur de spectateurs. Il y a toujours un moment où l’un des tabourets-bases est aussi un holo. Forcément un type saute dessus. Hilarant de la Baltique!

Super les filles viennent à moi. C’est le signal. On prend l’air fatigué, on remercie la mariée, on lui redit qu’elle est très belle, qu’on a passé une soirée mémorable, mais qu’on est crevé, que la gosse à des exams. Non pas terrible le terme gosse, Lou va forcément soupirer avec le naturel de quelqu’un qui s’est fait suer toute la soirée et ruiner toute la belle tirade d’au revoir.

#Ecran 4 : Fenêtre de dialogue

Mustapha > J’ai tes renseignements.

Tim > Merci. Julien à coté de moi trépigne sur son siège. Je récupère ça dans ma boite.

Mustapha > Je crois que tu as fait une faute de petite frappe. Quand j’aiMe ça me donne des aiLes. Au fait j’ai cru t’apercevoir à un télémariage, celui de Gilda et de Damien.

Tim > Possible, je colle pas trop les baies dans ce genre de situation. Bon c’est pas que je m’ennuie, mais faut que je synthétise maintenant.

(Tim connecte son jukebox enregistreur et dans le premier tiroir, introduit un disque sorti de derrière les fagots.)

Ecran 4 : Fenêtre FFTP (Fast Fork Transfert Protocol) option 4

Stats **** loaded
unencode
Stats.zip renamed ok
Chad ****** loaded
unencode
Chad.zip renamed ok
Hacknews ******** loaded
unencode
Hacknews.zip renamed ok

#Acte 4

Si l’ordinateur a amplifié notre intelligence en termes de rapidité et complexité de calcul, de capacité de stockage, recherche et transfert d’informations, il est incapable de donner du sens à son activité. La reconnaissance d’une forme simple, un triangle, demande une débauche de technologie matérielle et humaine alors qu’en une semaine n’importe quel nouveau né identifie sa mère par leur simple relation. Impossible pour la machine de gérer ce qui est ambiguë, à double sens. Le computer ne sait pas prendre de risque, donc décider. Par contre tout ça est du ressort des êtres humains.

#Vue d’ici 4

Julien DeLoro et Tim Blarin sont assis face à l’écran-mur plasmique du salon sur lequel chacun des fichiers est décompacté. Tim a expliqué avant même d’ouvrir les fichiers, que ça sentait la poudre. Mustaph’ avait placé les sources dans un répertoire ultra temporaire qu’il appelle La boite. A télécharger immédiatement. Il y a toujours des robots décrypteurs qui essayent de décoder ce qui circule, même sur INet. Mais ils ne comprennent pas encore le second degré ni les ruptures contextuelles qui génèrent apparemment de l’incohérence.

Le synthéticien est à son affaire. Sélection et marquage de zones texte, modification des contenus par association d’idées, réalisation de liens intertextuels. L’écran se chamare de couleurs animées. C’est le moment que Tim choisit pour passer à la cuisine. L’idée lumineuse qui orientera toute sa synthèse ne peut pas naître en se concentrant, après avoir tout étalé. Il faut faire le break. Il ne prend pas le thé et ne fait plus les cent pas clopes au bec. Soit il badine, soit il dîne.

Le temps passe.

 Téléchargez la version intégrale Softage Remasterise 2011 (pdf)

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